Comment éviter de propager de la désinformation en ligne ? Grâce à un modèle de confiance !

Il y a quelques années, Mastodon a collaboré avec le projet Eunomia, financé par l'Union européenne à hauteur de 2 455 000€. Le compte Mastodon (vérifié par ce billet du projet Mastodon) renvoie vers un lien vérifié, abandonné, et désormais loué par un site de paris en ligne, profitant de la notoriété, du recensement, et des liens pré-existants dont bénéficie le nom de domaine. L'Union européenne a donc gaspillé 2 455 000€ pour faire construire une solution technologique à la désinformation qui n'a pas, et ne pouvait pas marcher : les tests préliminaires demandaient à des utilisataires de déterminer si un article était fiable ou non, ce qui montre bien que cette technologie a pris le problème à l'envers, et je pense qu'en réalité les affordances de partage, aussi critiquables soient-elles, sont des outils de partage d'informations tout à fait corrects lorsque l'on prend quelques précautions !

Le premier problème est celui d'une confusion entre « réseau social » et « réseau d'intérêt ». Le microblog est un format conçu par des cadres, pour des cadres ; il leur fournit une expérience de gamification efficace, les métadonnées leur permettant de rester motivé·es, sous forme de dopamine, tout en leur permettant de sonder l'intérêt que certains sujets pourront avoir pour leurs audiences. C'est justement parce que le microblog est conçu pour les cadres qu'il n'a pour elleux aucun mystère, et qu'iels ont tout le recul nécessaire pour différencier leurs graphs sociaux – les personnes s'intéressant à leurs travaux – de leurs réseaux sociaux – des collaborataires potentiel·les, c'est-à-dire, avant tout, des membres de leurs champs. Iels savent que leurs mutuals ne sont pas des relations et qu'iels n'en perdront donc pas en supprimant leurs comptes. Notons par ailleurs que certains médias ont fait confiance à Facebook et ont mis la clé sous la porte, ceux ayant survécu ont donc appris à se servir des Réseaux Sociaux Numériques (RSN) pour se construire une audience, sans en dépendre économiquement.

Les cadres savent donc que les relations d'abonnement représentent une forme très faible de solidarité, et ne voient donc aucun problème à se désabonner de certains comptes ; inversement, le microblog optimise pour l'engagement auprès des pauvres en leur faisant projeter, autant que possible, leurs faces (au sens goffmannien) sur leurs profils, les métadonnées publiquement exposées, leurs biographies, leurs avatars, et l'accumulation de leurs messages publiquement listés, étant alors transparents quant à leur intégration sociale et donc aux degrés de solidarité auxquels iels ont droit, à leurs PCS et à leurs places dans divers réseaux d'interdépendance ; plus cette dimension sociale est vulnérable, plus iels seront amené·es à percevoir des désabonnements d'ex-mutuals comme des souillures, et donc, par solidarité/réciprocité, à continuer à suivre des mutuals ayant complètement dérivé dans l'espoir de pouvoir les soutenir.

Se désabonner des comptes partageant de la désinformation me semble nécessaire pour pouvoir utiliser un modèle de confiance : je partage les sujets sur lesquels j'ai un semblant de compétence ou alors en lesquels la personne qui s'exprime a une expertise à laquelle je fais confiance.

Lorsque je veux partager une publication traitant d'un sujet me paraissant important, ou/et d'actualité, je me demande si elle correspond à mon modèle de confiance. Ça désamorce complètement le risque de partager des publications ne faisant que conforter mes croyances. Par exemple, NitroKey a publié un billet de blog critiquant le manque de sécurité de /​e​/. Je l'ai partagé à mes abonné·es pendant quelques secondes, avant d'annuler le partage, en me disant que je ne connaissais rien à ce sujet, et bien m'en a pris, puisqu'il a été démonté le lendemain par Martijn Braam. Ça m'a évité de partager de la mésinformation, sur un sujet et au sein d'une communauté qui me tiennent à cœur.

Dans le second cas, lorsque je vois passer un entretien accordé par Descola, qui est un monstre sacré de l'anthropologie, je peux le partager sans même le lire, ce qui équivaut à dire à mes abonné·es qu'iels peuvent lui faire confiance les yeux fermés.

Et il n'y a rien de plus facile ! Admettons que j'utilise encore Facebook, et que les gens débattent de l'efficacité des vaccins. Ces personnes peuvent émettre des allégations lourdes de conséquences, comme par exemple le fait que le passe sanitaire représenterait une forme d'expérimentation sur des sujets non-consentants. N'ayant aucune compétence sur le sujet, je peux partager ces allégations en espérant que des personnes mieux qualifiées que moi puissent les lire et se faire un avis, ou alors quitter les communautés mal modérées ou non-modérées dans lesquelles ces publications sont partagées. Il va sans dire que faire ce tri est une condition sine qua non pour gérer un compte influent et donc que ceux qui me suivent pourront s'abonner à d'autres comptes, compétents là où je ne le suis pas. C'est bien sûr à rebours de la méfiance à laquelle nous incite la maltraitance numérique, c'est-à-dire toutes ces formes d'« optimisation pour l'engagement » qui ne sont en fait que des arnaques, à travers des institutions, sur le temps long.

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#Désinformation #Eunomia